L’océan noir / William Wilson

4 février > 13 juin 2010

 

Abomey est la capitale historique de la République du Bénin (ex-Dahomey). L’ancien royaume du Danxomé a compté une dynastie de treize rois de 1600 à 1900. Ces rois ont institué des arts de cour en réunissant autour d’eux fondeurs de bronze, musiciens, danseurs, conteurs, sculpteurs et des teinturiers. Au fil des siècles, des familles se sont établies autour des palais, souches des différents quartiers de la ville d’aujourd’hui. Et ce royaume du Danxomé, dont les rois juraient en montant sur le trône d’accroître le territoire, développa une culture forte tout en semant la terreur aux alentours. Ses armées, dont celle des Amazones, étaient tout aussi redoutées que les pouvoirs magiques pratiqués dans les liturgies religieuses dédiées aux Vodouns. Le rôle des tenturiers était de mettre en image les hauts faits du Roi, de répandre largement son blason et sa gloire tout en inspirant l’effroi à ses ennemis. C’est cette tradition artistique et ce savoir faire que l’artiste est allé rechercher au Bénin, patrie de sa grand-mère, négociante de tissus à Cotonou, native de Ouidah et elle-même descendante d’esclaves brésiliens revenus au pays dès le début du 18ème siècle.
Sur chaque tenture figure un pictogramme Adinkra. Cet ensemble de symboles visuels a été créé depuis des siècles par les Akan de l’actuel Ghana et demeure en constante évolution. Il énonce des concepts, des aphorismes aptes à transmettre la philosophie, l’éthique et les croyances qui sont le fondement même de toute société humaine. Ornements originellement réservés aux linceuls, on les trouve désormais sur les vêtements, les murs ou les portes des maisons et tant d’autres objets rituels ou profanes.

William Adjété Fred WILSON-BAHUN, noms et prénoms qui résument à eux seuls toute la complexité de l’Histoire. Au seuil de ce voyage, je ne me pose cependant ni en historien, ni en pédagogue, mais avant tout en artiste et en témoin vivant. Depuis de longues années, j’ai le désir de conter l’Histoire qui relie mes ancêtres africains à mes ancêtres européens, à travers les siècles. Une manière aussi de concilier les deux origines qui cohabitent en moi, de mieux les comprendre, de les inscrire dans le temps et dans une mémoire commune, en partage. Le survol d’une si longue période historique ne m’a semblé possible qu’en donnant à voir une sorte de puzzle d’images en métaphores, des séquences successives sorties de leurs boîtes et disposées dans l’ordre chronologique. J’ai choisi pour cela un support matériel précis, en prise directe avec mon propos : des tentures de tissus, sortes de ‘collages’ textiles rebrodés, réalisées à Abomey, l’ancienne capitale du Royaume du Danxomé située dans l’actuelle République du Bénin. Une technique intimement liée à l’histoire africaine puisqu’elle est pratiquée par les artisans d’Abomey, depuis le 17ème siècle et plus précocement encore chez les Ashantis du Ghana. Mais ce voyageur c’est vous aussi, lecteurs et regardeurs, que j’invite à parcourir avec moi cet Océan Noir, sur les traces d’un passé loin d’être révolu, puisqu’il recèle les clefs de notre compréhension des sociétés d’Europe, d’Afrique et des Diasporas d’Amérique, qui, par leur métissage culturel et génétique issu des trois continents, sont devenues notre environnement quotidien pour le meilleur et pour le pire. D’une influence durable, il fonde les sociétés multiraciales qui s’érigent sous nos yeux, en un faisceau de relations entrecroisées, produisant merveilles ou catastrophes: selon ce que nous sommes ou ce que nous en ferons.