Fuir

25 mai 2017 > 6 janvier 2018

Le thème d’une exposition résumé en un seul mot : Fuir.

Comment comprendre l’essence de ce mot appliqué à l’Art?

A titre d’expérimentation, nous pourrions mettre en abîme l’utilisation de ce mot chez des auteurs issus d’un contexte social et historique différent. Par exemple Pierre Corneille dit dans Le vieil Horace qu’il faut « trouver dans la fuite un chemin à la gloire. » tandis que Denis Bélanger dans sa pièce de théâtre La vie en fuite, explique que « La fuite n’est qu’un détour. Si le détour est parfois salutaire, il est le plus souvent inutile.». Ces deux définitions sont au demeurant suffisamment complexes pour que nous nous y penchions plus longuement, mais il est intéressant de constater qu’elles sont à l’opposé l’une de l’autre. Et si finalement le seul moyen de se prémunir de tomber dans « l’explicationnisme » était d’avoir recours au sentiment ou plus précisément à l’expérience, à l’émotion et que la solution la plus intéressante restait de faire coexister différentes interprétations? Il faudrait pour cela substituer ces interprétations littéraires par l’art. Que se passerait-il si nous employons la vision de neuf artistes à cette fin? Que verrions nous se dessiner autour de ce thème? D’un point de vue politique ce thème est plus que d’actualité, fuir c’est partir, c’est abandonner ce que l’on a, et une partie de ce que l’on a été. C’est un départ forcé, plus dans la désespérance que dans un rêve d’un monde meilleur. C’est un chemin long et difficile que l’on emprunte, généralement en petit groupe, pour trouver un refuge ailleurs. Une migration forcée résulte d’une guerre, d’un conflit ethnique, de persécution, de violence et encore de catastrophe naturelle ou autre destruction environnementale. C’est aussi pour échapper à la famine et à la précarité, formes structurelles d’une misère tenace. C’est un phénomène mondial, exacerbé en Europe ces dernières années par les guerres de Libye et de Syrie. L’Afrique subsaharienne est une terre de mobilité depuis des temps immémoriaux.

Depuis ces dernières années, le phénomène s’est amplifié, mais la grande majorité des migrations se fait à l’intérieur du continent africain. La part de ceux qui émigrent en Europe est numériquement minime, même si des images tragiques laissent  penser le contraire. Les fugitifs empruntent des chemins  possibles et improbables. La frontière, à la fois barrière et ligne de dépassement, une fois franchie, l’objectif est de rejoindre une communauté déjà installée, de retrouver un membre de la famille, afin que l’asile soit vivable et source d’espoir d’une autre vie. Dans son ouvrage intitulé «Eldorado», Laurent Gaudé raconte l’histoire des naufragés de Lampedusa « Il n’était plus personne. Il se sentait heureux. Comme il est doux de n’être rien. Rien d’autre qu’un homme de plus, un pauvre homme de plus sur la route de l’Eldorado. »

En parallèle, l’artiste togolais Clay Apenouvon raconte cet événement marquant à travers son installation de film noir qui engloutit telle la marée noire les murs et des objets du quotidien.
Parmi les artistes également engagés dans cette aventure, le sénégalais Soly Cissé peintre mais aussi sculpteur, photographe et scénographe, nous parle de la fuite et de l’exil avec un dessin monumental de 4 mètres de long.

Mamady Seydi également originaire du Sénégal est reconnu pour ces sculptures mais choisit aussi la peinture et le dessin comme moyen d’expression.

Aimé Mpané né en République Démocratique du Congo est un sculpteur qui s’oriente vers la peinture et expérimente l’association entre la peinture, la sculpture et l’installation.

Diane Victor est une artiste née en Afrique du Sud qui possède une technique unique de dessin à la flamme d’une bougie: la suie imprime sur le papier l’expression de ses idéaux critique et satirique de la société en contradiction avec la fragilité de sa technique.

Nidhal Chamekh est un artiste d’origine tunisienne qui, par sa technique et le choix de l’angle de vue de ses dessins, nous perd dans le flou et dans les lignes fragmentées où seuls quelques éléments figuratifs subsistent, son triptyque est la pièce majeure de cette exposition.

Mohamed Lekleti est un artiste marocain qui détourne le procédé de la chronophotographie et analyse le mouvement des êtres et des choses.

Mouhamadou Dia est un des peintres et dessinateurs sénégalais les plus réputés.

Ephrem Solomon, né en Ethiopie et venu en résidence à la Fondation, a travaillé sur le thème de l’immigration.

Nelson Makamo, jeune artiste sud africain, a travaillé en résidence à la Fondation Blachère sur le thème de cette exposition.

Ouvert du lundi au samedi, de 14h à 18h, et le dimanche en juillet, août, novembre, décembre.